wu kan ye + roll the dice

«Tout être différent, sortant de la norme, est considéré comme fou.» ils posent ses doigts fins sur la vitre embuée, les faisant glisser délicatement tandis qu'il observe silencieusement ses frères et soeurs jouer dehors. il n'a jamais compris ce qu'il y avait de drôle à courir après un ballon, à se cacher derrière une poubelle ni même à sautiller par dessus une corde. ils lui paraissaient tous tellement simples d'esprits, inférieures créatures dont la vie semblait tellement bénigne. et pourtant c'était ainsi que l'on espérait qu'il soit; futile et insouciant. l'on espérait qu'il devienne un enfant normal, que l'être qui le possédait finisse par libérer son corps et son esprit. assis, accoudé à son bureau, il finit par tourner la tête, observant les combles qui lui servent de chambre. la différence déplaît, la différence effraie, la différence écoeure. il ne demande pourtant rien, il n'a besoin de rien si ce n'est de livres, d'animaux et d'être seul. il aime le silence, parfois il aime que celui-ci soit brisé par les suppliques des rats qu'il éventre du bout de ses doigts fins. il ne comprend réellement pas ce qu'il y a de mal, il se contente simplement de satisfaire sa curiosité, d'en apprendre plus que ce que les livres ne le lui permettent. on le pense malade, le petit raté d'une famille de huit enfants, il en fallait bien un disait-on. les médecins lui diagnostique une précocité avancée; un enfant très intelligent, trop intelligent; on lui diagnostique une forte probabilité à la psychopathie. il connait ces mots; et s'en sent honoré - kanye n'est pas malade il est différent.

“Every form of addiction is bad, no matter whether the narcotic be alcohol, morphine or idealism.” il possédait beaucoup d'addiction; beaucoup trop. les connaissances, le savoir, les expériences, le thé, la couleur rouge, la méditation, la perfection, le dessin, les créatures magiques, les loups, les sorciers possédant des particularités, espionner, observer, étudier, examiner, élaborer, écrire des théories, s'organiser et tellement d'autres. puis rebecca, ses lèvres garnies couleur pêche, ses longues jambes, sa peau pâle similaire à celle d'une poupée en porcelaine, son rire cristallin, ses dents blanches parfaitement alignés, son petit nez aquilin, ses yeux rieurs, sa petite langue couleur sang, la cambrure de son dos, sa poitrine rebondie. il en avait eu des obsessions, il avait été obsédé par des demoiselles plus d'une fois mais rien comparé à son obsession pour la jeune sang-pur. une obsession malsaine, impure et perverse. une obsession silencieuse de plus de huit ans.

Notre erreur fatale est de chercher des paradis pérennes. Des plaisirs qui ne s’usent pas, des attachements persistants, des caresses à la vitalité des lianes : l’arbre meurt mais leurs entrelacs continuent à verdoyer. Cette obsession de la durée nous fait manquer tant de paradis fugaces, les seuls que nous puissions approcher au cours de notre trajet de mortels. Leurs éblouissements surgissent dans des lieux souvent si humbles et éphémères que nous refusons de nous y attarder. Nous préférons bâtir nos rêves avec les blocs granitiques des décennies. Nous nous croyons destinés à une longévité de statues.